Le mois de juin dernier, le Lacustre Monoceros, voile Z-13, s’est embarqué dans l’aventure de la 81ème édition du Bol d’Or Mirabaud en main de son nouvel armateur et skipper, l’espagnol Diego Llorens. Bien qu’il aille au cours des années accumulé beaucoup d’expériences dans la navigation en mer, il faisait encore ses premiers pas dans les eaux imprévisibles du lac Léman et ne connaissait pas encore la rage qui rende le Léman si célèbre parmi les navigateurs des quatre coins du monde. Bien que Météo Suisse eût prévu qu’un orage frapperait la flotte en fin d’après-midi, rien ne faisait présager à Diego ou son équipage ce qui les attendaient, ce d’autant plus qu’ils participaient à leur premier Bol d’Or.

Genève s’étant réveillée sous la pluie et sans vent, le destin a voulu que le soleil sorte juste avant le début de la régate, portant avec lui une faible Bise qui rendait les conditions idéales pour la navigation en Lacustre. C’est ainsi que Monoceros, 76 ans après sa mise à l’eau, est parti pour cette dernière édition du Bol d’Or avec son nouvel équipage.

Après une période de calme totale, la Bise est remontée à 15 nœuds vers 14h, ce qui a permis à Monoceros de reprendre son chemin, donnant à son équipage des heures de navigation vraiment mémorables. Parmi les nombreux voiliers, il a navigué au près serré pour sortir du Petit Lac, une marque que personne à bord n’avait jamais atteint.

Bien entendu, on ne pourrait pas concevoir le ciel sans l’enfer. Vers 16h30, l’équipage a observé un signal lumineux provenant d’Yvoire qui préavisait d’un fort orage. Ne pouvant plus rejoindre le rivage, Diego a pris la décision d’affaler le solent mais aussi de laisser la grande voile à sa place. Ce fut inutile. Quand l’orage violent a frappé Monoceros, il restait peu à faire. Ce fut une question de minutes, portant des rafales jusqu’à 60 nœuds, le vent a cassé le mât en bois à sa base. Il a fallu libérer les bastaques et le pataras pour qu’il finisse de tomber et que le bateau s’arrête de naviguer. À la dérive, de nombreuses vagues courtes et violentes ont frappé la coque de Monoceros sans quartier pendant des minutes qui semblaient des heures. Après envoyé un signal de détresse au Comité de régate et une longue demi-heure d’attente, l’équipe de sauvetage de Nyon a atteint le bateau et l’a remorqué jusqu’au Port d’Yvoire avec ses trois équipiers en bonne santé.

Diego se sent fier d’avoir vécu (et survécu) à ces évènements extraordinaires. Bien qu’il ait perdu cette saison de voile, il a préservé sa vie et aussi son bateau. Il conçoit cette expérience comme un message du Léman, qui s’est peut-être fâché de l’arrogance des marins sur ses eaux et voulu leurs rappeler que lui, et seulement lui, est Roi. Diego espère bien être sur la ligne de départ du Bol d’Or de l’an prochain, avec l’espoir d’être devenu un marin plus expérimenté et aussi un homme plus modeste.

Quant à Monoceros, il récupère de ses blessures au chantier naval Marine Créations à Collex, Genève, où une équipe de professionnels du bois travaille dans l’élaboration d’un nouveau mât en bois selon les plans originaux d’Henri Copponex. Il continuera à naviguer dans les eaux du Léman, on espère au moins pour 76 ans de plus.

Par Diego LLorens Echegaray