Architecte naval et régatier, Henri Copponex (1907 – 1970) est l’un des personnages emblématiques de l’histoire du Léman. Surnommé le Prince du lac, il a remporté de multiples titres, parmi lesquels trois Bols d’Or et une médaille olympique. De nombreux voiliers issus de sa table à dessin naviguent encore sur le Léman.

Bernard Schopfer

Les régatiers lémaniques qui l’ont connu, ou ceux qui l’ont eu comme professeur au Technicum et à l’Ecole d’architecture de l’Université de Genève, disent d’Henri Copponex qu’il était « chaleureux, passionné et modeste ».

Surnommé le Prince du lac, il a dessiné certains des plus beaux voiliers du Léman, remporté l’une des rares médailles olympiques de l’histoire de la voile suisse et profondément marqué le microcosme lémanique par son charisme et sa compétence.

Henri Copponex est l’une des grandes personnalités de l’histoire du Léman et du Bol d’Or, challenge qu’il a été le premier à remporter définitivement, en 1963 (trois victoires en cinq ans), à bord du 8m JI, Marie José II, propriété de M. Horace Julliard.

Né à Genève en 1907, il s’est intéressé à la voile dès son plus jeune âge et l’on trouve des photos de lui enfant, faisant évoluer des maquettes de voiliers dans le bassin d’un parc. Habitant les Eaux-Vives, et ayant sous les yeux les yachts de course lémaniques amarrés dans la rade de Genève, il commence à dessiner des voiliers dès son adolescence et dévore avec passion « L’aérodynamique de la voile », ouvrage culte de Manfred Cury, publié en 1925, qui bouleverse l’approche de la voile de compétition.

Faisant preuve d’une grande créativité, il dessine notamment le célèbre Lacustre, dont de nombreuses unités naviguent encore aujourd’hui sur le Léman et sur d’autres plans d’eau en Suisse et à l’étranger, ainsi que le premier multicoque du Léman.

Fils d’un entrepreneur en bâtiment, il commence à naviguer dès l’adolescence, à bord d’un dériveur Alcyon, puis trouve rapidement des embarquements sur certains des plus beaux voiliers du Léman.

« Le personnage, haute stature, large sourire aux incisives écartées, a l’élégance, le charme distant d’un James Stewart ou d’un Gregory Peck. Pour un jeune homme qui aime les bateaux et sait les regarder, la plaisance lémanique offre en ce début des années vingt un tableau exceptionnel, né d’un partage équilibré entre influences étrangères et créations locales. A l’écart des crises de rage périodiques de ses voisins en guerre, le Léman est un carrefour d’influences », raconte la revue française « Carré Voiles » dans un portrait qu’elle lui consacre en 2006.

Considéré à la fois comme un scientifique et un pragmatique, Copponex enseigne la statique et la résistance des matériaux. Il tient à tester personnellement les voiliers qu’il a dessinés afin de les ressentir au mieux et de s’en imprégner en vue du dessin suivant. Il en prend la barre avec un regard analytique mais aussi une grande finesse, qui lui permet de remporter de très nombreuses victoires : une douzaine de titres nationaux en 6 m JI, en 15 m2 SNS et en Lacustre, et d’innombrables victoires internationales en 5,5 m JI.

La fille d’Henri Copponex, Françoise précise que son père n’a jamais possédé de bateau. « Les propriétaires adoraient l’avoir comme barreur, et il aimait changer de bateau toutes les deux ou trois saisons », précise-t-elle

Copponex représente la Suisse aux Jeux Olympiques de 1948 à Torquay (7e en 6 m JI), puis en 1952 aux J.O. d’Helsinki (12ème en 5.5 m JI). Il obtient son meilleur résultat – la médaille de bronze – en 1960 lors des Jeux de Rome, à la barre du 5.5 m JI Ballerina IV, qu’il a dessiné, tout comme quatre de ses adversaires.

Copponex navigue alors en compagnie de Manfred Metzger et Pierre Girard, qui précisait alors que « l’équipage suisse, mal préparé pour cette compétition, lent dans ses manœuvres de spinnaker et ne possédant aucune voile d’avant tirant aussi bien que celles de ses concurrents, arriva troisième et a, en vérité, lieu d’être satisfait de sa médaille de bronze. »

Egalement surnommé « Kiki », Henri Copponex a évolué parallèlement à l’autre grande personnalité du moment, Louis Noverraz, né symboliquement sur la rive opposée, à Bellevue. Différents de caractère et à vrai dire peu compatibles, les deux hommes se sont côtoyés sur d’innombrables régates. « Il n’est un secret pour personne qu’il ne déborde pas de sympathie pour son rival de toujours (Noverraz), ce dernier aussi enclin à se mettre en valeur, à pérorer devant la presse, que lui-même s’attache à se montrer discret et pointilleux », précise « Carré Voiles ». « Noverraz, suprêmement doué, barre les bateaux que lui confient de riches propriétaires. Copponex, lui, mène au plus haut niveau des bateaux qu’il a conçus, dont il a surveillé la construction, démarche personnelle toute différente. Entre eux, les échanges restent à fleurets mouchetés. »

Claude « Goudy » Chauvet, aujourd’hui âgé de 87 ans, a été équipier aussi bien de Noverraz que de Copponex. Il nous racontait ses souvenirs l’an passé, et insistait sur le fait que Noverraz et Copponex avaient des caractères et des compétences antinomiques. « Copponex était un brillant technicien, qui connaissait ses voiliers sur le bout des doigts, tandis que Noverraz disposait d’un sixième sens et naviguait plutôt au feeling, avec un immense talent. »

Son ami Pierre Girard, lui aussi membre de la confrérie informelle des anciens de la Société Nautique de Genève, complétait la description en précisant que « Copponex avait beaucoup plus d’humour que Noverraz. A bord de ses voiliers, on passait toujours un excellent moment. A l’inverse, Noverraz était extrêmement sérieux et concentré ; avec lui, on n’osait pas bouger une oreille. Copponex était aussi beaucoup plus préoccupé par la mise au point technique des voiliers, un exercice auquel il excellait. En revanche, il était très nerveux sur les lignes de départ alors que Noverraz s’y montrait impitoyable. »

Carine Bertola, la Conservatrice du Musée du Léman, s’est intéressée de très près à la carrière de Copponex et elle lui a consacré un ouvrage. « Henri Copponex s’intéresse dès son jeune âge aux bateaux », y précise-t-elle. « A la demande de la Société d’Encouragement à la Navigation de Plaisance, il dessine le Moucheron en 1934, puis le Lacustre en 1938. Il est également l’auteur de plans de 30 m2 suédois, de 15 m2 SNS, et d’une trentaine de 5.5 m JI, dont les fameux Ylliam X, Tam-Tam ou Ballerina IV et V. »

 

Premiers esssais sous voiles, Au mois de mai. Foto Archives Copponex

Lacustre 1 Goleron (Photos Archives Copponex)

En 1951, Copponex surprend en dessinant le premier multicoque de l’histoire du Léman, dont trois unités seront construites. « C’est un catamaran de 7 m de long, aux coques écartées de 2,8 m d’axe en axe et reliées par un ponton très rigide », précisait son auteur. « Chaque coque a un plan longitudinal vertical de symétrie. Les couples étant à V en angle aigu, les coques présentent une surface de dérive suffisante. Il n’y a donc pas de dérive, ce qui est un avantage. »

« Sa vitesse aux allures du plus près et de mi-largue est absolument remarquable », pouvait-on lire dans les revues spécialisées de l’époque. « Des yachts réputés rapides sont facilement distancés. Les virements de bord sont par contre un peu lents. »

Henri Copponex s’est éteint prématurément, à l’âge de 63 ans, à son retour du chantier naval Luthi où il était allé vérifier la pose de l’accastillage sur l’un de ses derniers projets, le Paladin. Ses voiliers continuent à naviguer, avec grâce et élégance ; ils constituent le plus beau souvenir de lui.

 

Pour plus d’informations https://archives.henri-copponex.ch